Le jeûne intermittent est partout. Dans les magazines, sur les réseaux, dans les conversations de café. Promu comme un passeport vers la perte de poids, la vitalité et la longévité, il séduit des millions de Français. Pourtant, derrière l’engouement, une voix s’élève pour tempérer l’enthousiasme. Le Dr Émilie Steinbach, médecin généraliste et auteure de *Votre santé optimisée*, invitée de RTL, appelle à la prudence. Selon elle, le vrai bénéfice ne vient pas des régimes extrêmes, mais d’une pratique simple, douce, et surtout, durable : le jeûne nocturne. Une méthode naturelle, accessible à tous, mais souvent mal comprise.
Le jeûne nocturne, une pause digestive bienvenue
Contrairement aux versions radicales du jeûne — 16 heures sans manger, jours complets sans nourriture — le Dr Steinbach préconise une approche modérée. Le principe ? S’imposer une pause de 12 à 14 heures entre le dernier repas de la soirée et le petit-déjeuner du lendemain. Pas de privation extrême. Juste une synchronisation avec le rythme naturel du corps.
“Notre organisme n’est pas conçu pour digérer en continu”, explique-t-elle. “Il a besoin de repos. Pendant le jeûne, l’intestin active un mécanisme de nettoyage appelé le migrating motor complex, qui élimine les résidus et préserve la santé digestive.” Ce temps sans nourriture améliore aussi la qualité du sommeil, régule l’appétit, et peut contribuer à une perte de poids progressive — sans régime restrictif.
Des bienfaits réels, mais des limites à respecter
Les avantages du jeûne nocturne sont scientifiquement documentés. Une digestion terminée au moins deux à trois heures avant le coucher réduit les reflux, les insomnies et les inconforts gastriques. À long terme, cette pratique peut aider à stabiliser la glycémie, réduire l’inflammation chronique et favoriser une meilleure régulation du poids.
Mais attention : tout dépend de ce qu’on mange en dehors du jeûne. “Ce n’est pas une excuse pour manger n’importe quoi”, prévient le Dr Steinbach. Un jeûne suivi d’un repas ultra-transformé, riche en sucres et en graisses, annule tous les bénéfices. L’hydratation compte aussi : eau, thé ou café non sucrés sont autorisés. En revanche, les boissons sucrées, même light, rompent le jeûne métabolique.
Une pratique à risque pour certaines personnes
Le jeûne intermittent, même modéré, n’est pas universel. Il peut être contre-productif, voire dangereux, pour certaines catégories de la population. Le Dr Steinbach met en garde contre son adoption sans accompagnement dans les cas suivants :
Femmes minces souhaitant concevoir : un jeûne trop strict peut perturber le cycle menstruel et réduire la fertilité.
Personnes âgées : elles risquent des carences si leur apport alimentaire est déjà limité.
Patients ayant des troubles du comportement alimentaire : le jeûne peut raviver des mécanismes de restriction pathologique.
Dans ces situations, une approche individualisée, encadrée par un professionnel de santé, est indispensable.
Le vrai secret ? La régularité, pas l’excès
Le piège du jeûne intermittent, c’est la tentation de la performance. “Et si je faisais 18 heures ? Et si je sautais un repas ?” Ces dérives, selon le Dr Steinbach, transforment une pratique bienveillante en source de stress. Or, le stress hormonal (cortisol) peut annuler les effets positifs du jeûne, voire favoriser le stockage de graisse.
Le succès du jeûne ne tient pas à la durée, mais à la constance. Manger équilibré, éviter les grignotages tardifs, et laisser l’intestin se reposer chaque nuit — voilà le vrai programme. “Il ne s’agit pas de souffrir pour être en bonne santé”, insiste-t-elle. “Il s’agit de retrouver une relation saine avec la nourriture.”
Vers une alimentation plus intuitive
Au-delà du jeûne, c’est toute notre relation à l’alimentation qui est en jeu. Le Dr Steinbach appelle à sortir de l’obsession calorique, des régimes miracles, des interdits stériles. Le jeûne nocturne, bien pratiqué, devient un outil d’écoute de soi. Apprendre à distinguer la vraie faim du simple réflexe conditionné. Comprendre que le bruit dans le ventre n’est pas toujours un appel à manger, mais parfois le signe d’un nettoyage en cours.
Dans un monde où tout va vite, le jeûne intermittent, version douce, pourrait être une forme de résistance. Une pause. Une respiration. Une reconnexion.