Une étude publiée dans l’American Journal of Clinical Nutrition met en lumière un phénomène inquiétant : les recherches sur les liens entre viande rouge et risques pour le cœur seraient influencées par les intérêts financiers de l’industrie agroalimentaire. Selon cette analyse, les résultats varient fortement selon que les auteurs ont ou non des liens avec les producteurs de viande. Une découverte qui pourrait expliquer les conclusions souvent contradictoires.
Des conflits d’intérêts au cœur des études médicales
Selon une méta-analyse réalisée par une équipe espagnole et publiée dans l’American Journal of Clinical Nutrition, les études financées par l’industrie de la viande tendent à minimiser les risques associés à la consommation de viande rouge. À l’inverse, celles sans lien financier avec les producteurs concluent majoritairement à un impact négatif sur la santé cardiovasculaire.
L’équipe a analysé 44 études contrôlées où les participants avaient réduit leur consommation de viande rouge pendant une période donnée. Parmi elles :
- 29 étaient classées comme liées à l’industrie de la viande (au moins un auteur déclarait un conflit d’intérêts)
- 15 étaient considérées comme indépendantes
Les résultats montrent une nette divergence : 11 des 15 études indépendantes identifiaient un effet défavorable de la viande rouge sur le système cardiovasculaire. En revanche, aucune des études liées aux lobbies n’a trouvé d’effet négatif. Six d’entre elles ont même rapporté un effet positif.
Un biais qui affecte la crédibilité de la science nutritionnelle
Sur LinkedIn, la professeure Laura A. Schmidt, spécialiste en santé publique à l’université de Californie à San Francisco, salue cette publication. Elle souligne que les études sponsorisées par des groupements de producteurs bovins sont quatre fois plus susceptibles de conclure à des effets neutres ou bénéfiques de la viande rouge sur la santé du cœur.
“De tels biais de financement sapent la confiance du public dans la science de la nutrition et retardent les progrès scientifiques dans ce domaine”, déplore-t-elle. Elle compare ces pratiques à celles observées dans l’industrie des boissons sucrées, où les effets des conflits d’intérêts sont encore plus marqués.
Quelles solutions pour garantir l’objectivité des recherches ?
Face à ces constats, certains experts appellent à une refonte totale du modèle de financement de la recherche en nutrition. “Il est grand temps que la science de la nutrition soit financée par les États plutôt que par l’industrie alimentaire”, insiste Laura A. Schmidt.
En attendant, les lecteurs doivent rester vigilants face aux conclusions des études, en particulier lorsqu’un ou plusieurs auteurs déclarent des liens avec les acteurs économiques concernés.