Des petites cloques apparaissent sur vos mains ou vos pieds. Elles piquent, parfois brûlent, et ne disparaissent pas. Vous pourriez être confronté à la dyshidrose, une forme particulière d’eczéma souvent méconnue, mais fréquente. Elle touche surtout les adultes, en particulier en période chaude. Bien qu’elle ne soit pas contagieuse, elle peut fortement impacter la qualité de vie. Le Dr Ludovic Rousseau, dermatologue à Bordeaux, décrypte les symptômes, les causes possibles et les traitements efficaces pour mieux la gérer — voire l’éviter.
Symptômes : comment reconnaître une dyshidrose ?
L’alerte commence par des vésicules minuscules, transparentes, ressemblant à des « cloques d’eau ». Elles apparaissent de manière symétrique sur les côtés des doigts, les paumes des mains ou les plantes des pieds. Leur localisation est très caractéristique.
Deux formes principales existent. La dyshidrose simple, où seules les cloques sont présentes, sans rougeur. Et l’eczéma dyshidrosique, plus fréquent, où les vésicules s’accompagnent de rougeur, de desquamation et d’un épaississement cutané. Les démangeaisons sont souvent intenses, parfois insupportables, et peuvent précéder l’éruption.
Avec le temps, les vésicules peuvent s’agglomérer, sécher et former des croûtes brunes. Ou bien s’ouvrir, laissant place à des micro-plaies suintantes, douloureuses et sensibles aux infections.
Diagnostic : comment confirmer la dyshidrose ?
Le diagnostic repose principalement sur l’examen clinique. Le dermatologue observe la localisation, l’aspect des lésions et leur évolution. Il s’agit d’exclure d’autres affections cutanées aux symptômes proches : mycose des mains, pompholyx, eczéma chronique ou dermatose hyperkératosique.
Aucun test sanguin spécifique n’existe. En cas de doute, un prélèvement peut être effectué pour écarter une infection fongique. Si une allergie de contact est suspectée, des patch tests peuvent être réalisés pour identifier les substances responsables.
Causes : qu’est-ce qui déclenche la dyshidrose ?
Les mécanismes exacts restent mal compris. Ce n’est ni une infection ni une allergie classique, mais un trouble inflammatoire de la peau. Plusieurs facteurs sont associés à son apparition ou à ses récidives.
L’hyperhidrose palmoplantaire — une transpiration excessive des mains et des pieds — est un facteur fréquent, particulièrement en été. La chaleur et l’humidité favorisent les poussées. De même, les micoses des pieds, comme le pied d’athlète, peuvent déclencher une réaction en chaîne.
Des antécédents d’atopie (eczéma, asthme, rhinite allergique) augmentent également la vulnérabilité. Certains patients réagissent à des allergènes de contact : le nickel, le cobalt, le chrome, ou encore des composés présents dans les chaussures, les bijoux ou les plastiques, comme la paraphénylènediamine ou le baume du Pérou.
Le tabac est également pointé comme facteur aggravant. Enfin, les contacts répétés avec l’eau, les détergents ou les gants occlusifs sont des déclencheurs fréquents, surtout dans certaines professions.
Évolution et complications : quand s’inquiéter ?
La dyshidrose est souvent récurrente. Elle revient par poussées, souvent au printemps ou en été. Chez certaines personnes, elle devient chronique, avec des périodes de rémission et de rechute.
Le principal risque ? L’infection secondaire. Quand les vésicules éclatent, elles laissent la peau vulnérable. Le liquide devient alors purulent, la zone rougit, gonfle, parfois douloureuse. Cela peut évoluer vers une lymphangite ou un ganglion douloureux dans l’aisselle ou l’aine. Une antibiothérapie locale ou systémique devient alors nécessaire.
Prévalence : qui est touché ?
La dyshidrose affecte tous les âges, mais surtout les adultes. Elle touche autant les hommes que les femmes. Présente dans le monde entier, elle semble moins fréquente en Asie.
Les métiers exposés à l’humidité ou aux produits irritants sont particulièrement concernés : boulangers, bouchers, cuisiniers, professionnels de santé, ou encore employés de ménage. Le contact prolongé avec l’eau, les gants en caoutchouc ou les détergents fragilise la barrière cutanée et favorise les poussées.
Prévention : peut-on éviter les poussées ?
Malgré une hygiène rigoureuse, certaines poussées restent imprévisibles. Toutefois, plusieurs mesures réduisent significativement les risques.
Évitez les lavages fréquents des mains. Utilisez un savon doux, sans parfum, et séchez soigneusement, surtout entre les doigts. Portez des gants en coton sous les gants de ménage pour limiter l’occlusion. Évitez les produits ménagers agressifs ou identifiez ceux auxquels vous êtes allergique.
Lutter contre la transpiration excessive avec des antitranspirants spécifiques peut aider. Enfin, l’arrêt du tabac est fortement recommandé, tant pour la peau que pour la santé globale.
Traitements : comment soulager efficacement ?
Le traitement repose sur des dermocorticoïdes puissants, appliqués localement. Le Dr Rousseau souligne l’importance d’une application régulière, souvent en soirée, sous un pansement occlusif si nécessaire. La crème est privilégiée, car la peau des mains et des pieds est épaisse.
Une décroissance progressive est essentielle pour éviter un rebond ou une atrophie cutanée. En cas de poussées fréquentes, une photothérapie par UVB ou UVA peut être proposée en milieu hospitalier. Elle réduit l’inflammation et espacé les crises.
Il existe aussi une approche naturelle : l’héliothérapie. Exposer modérément les mains et les pieds au soleil, vers 17 heures en été, pendant 5 minutes par jour, peut améliorer les lésions. Ce n’est pas une solution miracle, mais un complément utile, proche du mécanisme des UV médicaux.